Une vraie vie de chien

Tient, bonjour.

C'est la première fois que je parle à des humains, vous savez, habituellement leurs langages nous est assez barbare. Alors que l'on peu ce comprendre par quelques odeurs, et peu de bruit, les humains ont besoins de former des sons, qu'ils utilisent à longueur de journées. Il y en a même quelques uns qui pensent que l'on peu les comprendre, leurs sons. Quelle bêtise, pourquoi devrions nous écouter alors que les gestes et les odeurs suffisent ?

Mais en fait, j'ai l'impression que si l'on m'a donné la parole ça ne doit pas être pour critiquer ces pauvres hommes qui ne comprennent rien à la nature.
Il faut dire que moi aussi il m'a fallut du temps pour comprendre ce que c'était la nature, le langage des animaux, et toutes les odeurs. Car moi aussi je suis né chez les humains, et je suis resté avec eux jusqu'a ce qu'ils m'abandonnent.

Pourtant j'avais une vraie vie de chien de maison, j’habitais dans un quartier huppé de Paris, ou je ne rencontrais que des petits roquets à pattes courtes et vachement agressif.
Je ne leur ai jamais rien fait moi, mais j’étais toujours celui qui ce faisait gronder, par ces bonne femmes en fourrures. J’étais le plus grand, et donc j'avais toujours tord, alors que c'était eux qui m'attaquais. Mais ce n'est qu'un détail, ma vie se déroulait surtout entre la pièce qui m'était réservée, ou il y avait une télé, un lit, un fauteuil, et la cuisine.

Le plus intéressant dans la cuisine c'était "Mama" une africaine aussi large que haute, qui était la servante, elle faisait le ménage, la bouffe, et s'occupais des jeunes, mais surtout elle me faisait mes propres repas en m'invitant à choisir ce que je voulais.
Le système était simple, j'avais le choix entre différentes viandes et légumes et il me suffisait de gratter de la patte le paquet qui me convenait.

Les enfants étaient jeunes mais pas trop bruyant, de toute façon il n'était à la maison que le dimanche, le reste du temps ils étaient dans un internat, les parents n'étaient pas souvent là non plus, ils travaillaient trop. Finalement il ne restait dans la maison que Mama, le chat, le poisson rouge et moi.
Mama, en fait, elle passait son temps à faire le ménage et la cuisine, il faut dire qu'elle prenait son temps, et une fois qu'elle avait fini de nettoyer toute la maison elle recommençait. Pour ce qui est de la cuisine, elle faisait le petit déjeuner, déjeuner, et dîner pour le patron et sa femme, le dimanche elle ajoutait deux assiettes pour les enfants.

Mama pour sa part elle mangeait constamment quelque chose, je n'ai jamais su quoi, mais elle avait toujours quelque chose dans la bouche.
On partait en vacances 4 semaines par an, au moment ou les parents avaient leurs congés, ils les prenaient en même temps pendant une période de vacances scolaires et tout le monde, Mama compris partait pour l'hôtel quelque part sur la cote.
Ils n'ont jamais été sympa avec moi dans ces hôtels, je finissais la plus part du temps dans des chenils ou l'on me déposait en arrivant et d'ou l'on me reprenait en partant. Il est même arrivé que l'on m'oublis, c'est Mama qui est venu me chercher, en train, pour me ramener à la maison.

Et puis les ennuis on commencés, les enfants sont partis, ils étaient grands, ils voulaient "l'indépendance", j'ai même entendu : "foutre le camp de la maison".
Après quelques faux départs ils ont fini par quitter définitivement la maison, il y avait un grand vide. C'est le moment que Mama à choisit pour dire qu'elle partait à la retraite. Une retraite Mama ? Elle qui n'avait jamais pris de vacances! Et finalement elle est partie pour de bon, rattrapé par sa couche de graisse qui lui à arrêté le coeur, au moins elle n'a pas souffert.

Là dessus on est partis en vacances, enfin non, ils sont partis en vacances. Pour la première fois de leur vie ils allaient visiter l'étranger et prendre l'avion. Mais à l'aéroport ils ce sont rendu compte qu'il allait falloir me payer une place, presque le prix d'un passager.
Et leur décision a été vite prise, ils sont monté dans l'avion, sans moi...
Et me voila perdu dans un aéroport, sans maîtres, pour bien faire ils m'avaient enlevé mon collier, un chien ça ne parle pas, comme je fais moi maintenant pour faire du stop jusqu'à la maison ?
Et me voila parti, cherchant la maison, par les routes, autoroutes, villes et villages, cherchant de la nourriture dans les poubelles, et couché à coté d'un clochard sous un pont.
Je n'ai pas du prendre la bonne direction, je me suis retrouvé quelque part dans la montagne, un endroit ou je n'avais jamais été avant.

J'ai trouvé un abri à coté d'une décharge, de la nourriture fraîche arrivait par camions tous les jours, j'avais une rivière pas loin, et quelques animaux me tenais compagnie. Finalement mis à part la télé et le matelas la vie était belle, j’étais entièrement libre de mes mouvements, de jour comme de nuit je me baladais dans la montagne.
Puis il y eu la chasse, pour la première fois j'ai vu des chiens courir derrière des animaux, ceux-ci avaient l'air effrayé. De ceux que je connaissais autour des poubelles il n'y en avait plus, ils avaient pris la fuite quelques jours plus tôt, sûrement vers des coins plus calmes.
Mieux valais ne pas trop bouger, j'entendais des bruits de tonnerre, et pour le peu que j'en est vu, l'animal touché s'écroulait immédiatement. Je ne quittais donc plus mon refuge, et je n'allais que la nuit de la décharge à la rivière.

C'est en faisant un de ces trajets que je suis tombé sur Dog. Dog n'était pas un chien de chasse comme les autres, il n'avait pas de maître, et ne participais à la chasse que pour être en compagnie et se nourrir lui même.
C'était un véritable chien des montagnes, il se nourrissait exclusivement de gibier, été comme hiver il trouvait suffisamment à manger pour rester bien gras.
Dog avait déjà senti ma piste, il était venu ce soir là pour voir si il avait à faire à un rival, il faut dire que je lui ressemblais, par la taille et l'épaisseur du poil, mais je n'avais pas sa force, et je ne savais pas me battre.
Voyant qu'il avait devant lui un ignare complet, il fut jusqu'à mon refuge, se coucha, et s'endormit.
Le lendemain matin au réveil il n'était déjà plus la, mais il revint assez vite avec de la viande fraiche. Une première expérience pour moi, je n'avais mangé que des plats cuits, et j'avais là un gibier encore chaud, dégoulinant de sang.
Dog resta longtemps avec moi, durant toute la période de chasse il me fit découvrir ce "sport" humain, mais surtout la vraie nature des chiens. Apres quelques mois j’étais fin prêt à chasser et aider les humain à massacrer les animaux.
Dog m'appris surtout que si l'on voulait conserver la compagnie d'autres animaux il ne fallais pas chasser sur le territoire ou l'on vivait.
Nous partions donc vers les montagnes avoisinantes chasser le lapin, les jeunes sangliers et autres animaux de petites tailles. Il nous arrivait de passer plusieurs jours dans un même endroit pour venir à bout d'une trop grosse pièce, Dog ne laissait pas de nourriture derrière lui, de toute façon elle aurait été mangé par un autre.
L'hiver passa doucement, entre chasse et repos la vie prenais un nouveau sens, mais finalement il y avait peut être autre chose. Mes voyages avec mes patrons m'avais fait découvrir d'autres endroits et je pensais, maintenant que j’étais capable de subvenir à mes besoins, repartir en vadrouille.
J'en discutais donc avec Dog, mais lui était contre, il avait vécu là toute sa vie et ne comptait pas partir, il avait son petit royaume, sa domination sur la plus part des autres chiens de chasse, une vraie vie de chien.
Et me voila partis de nouveau seul à l'aventure. Je savais cette fois ci que je ne partais pas à la recherche de mes maitres, mais bien à la découverte du monde, sans dieu ni maitre, j’étais libre.
Bien sur je cherchais la chaleur, seul endroit ou l'on puisse vivre abondamment sans même se préoccuper de l'endroit où l'on va dormir. Je descendais donc vers le sud, en direction de "l'équateur", Dog disait qu'il avait jadis rencontré un chien qui venait de là-bas, il lui aurait dit que c'était le centre du monde, l'endroit ou le soleil était le plus chaud.
En fait je ne pensais pas aller jusque là, seulement à un endroit ou il faisait plus chaud.
De ville en forets, d'autoroutes en sentiers, j'allais vers le sud, je fus reçu dans certains endroits par des coups de fusils, dans d'autres avec une grosse gamelle de soupe, et cela jusqu'à une immense étendue d'eau. Le détroit de Gibraltar. Il me fallais maintenant passer de l'autre coté de l'eau.
Je savais pour en avoir fait l'expérience du temps de mes maitres, que l'immensité de l'eau était impressionnante, et surtout bien trop grande pour être traversée à la nage. Je cherchais un moyen de transport, un bateau, qui pourrais m'amener de l'autre coté.
Une nouvelle fois j'ai eu de la chance, après avoir essayé de monter à bord de plusieurs bateaux, en me glissant sur le pont furtivement, et finissant dans l'eau la plus part du temps, je tombais un jour sur un minuscule bout de chien, qui se disait "passeur".
Ce ... "truc", on ne pouvait réellement appeler ca un chien, connaissait chaque bateau, et toutes les cachettes qu'ils pouvaient contenir. Il fit de son mieux pour en avoir une à ma taille, et réussit même à m'avoir de la nourriture pour le voyage.
Je pris la mer un samedi, au lever du soleil.
Arrivé plus rapidement que prévus de l'autre coté je ne fis qu'un bon de ma cachette sur le pont, avec un grand coup de pied dans le derrière de la part d'un matelot furieux de ne pas m'avoir vu embarquer. Peu importe, j’étais arrivé sur la terre d'Afrique.
L'Afrique, à peine arrivé qu'un homme m'interpelle me présentant l'arrière de son camion, je saute dedans et nous voila partis pour je ne sais ou.
On n’arrivait pas, je ne sais pas ou le gus en question allait mais je peu dire que je n'avais jamais roulé autant. On roulait surtout de jour, sur des routes plus ou moins défoncées, après la ville et les quatre voies ce fut le grand désert et les dunes de sable recouvrant et détruisant la route. Mais le camionneur ne se faisait pas de bile, en fait il tenait juste le volant, la pédale d'accélération était bloquée par une pierre. Il lançait le camion le matin et nous roulions jusqu'à la dernière ville que l'on put atteindre avant la nuit.
Mon nouveau copain s'appelais Hamed, il était né dans le camion qu'il conduisait, à l'age de 20 ans son père avait disparus, lui laissant le camion et les clients habituels. Il n'avait jamais cessé de rouler.
Des comme lui il y en avait des centaines, ils mangeaient, dormais, vivais dans leur camion, sauf à quelques arrêts ou ils finissaient dans un bar, ou dans un hôtel. Le camion fini par s'arrêter en plein désert, devant un bar "le vieux français", il y avait à la porte, un vieux français.
Hamed me dit qu'il allait me laisser là, que j'y serais bien, et qu'il repasserait me voir. Il me dit aussi que le vieux français était là depuis toujours. Son père l'avais connu bien avant qu'il naisse, et lui ne l'avais jamais vu changer.
Le vieux français ne bougeais jamais de son bar, toute sa vie était là, les camionneurs venaient, ils livraient la bière, la bouffe, les matériaux pour réparer.
Il y avait toujours quelqu'un chez le vieux, les camionneurs rangeaient la bière, la bouffe et faisait eux même les réparations. Lui, racontait des histoires de France. Il n'y avait passé que quelques années mais il avait toujours une histoire nouvelle. De toute façon personne d'autre que lui et moi ne connaissait la France.
Il s'appelait Tom, le vieux français, il était arrivé là un jour, un sac à dos et trois bières dedans. Il avait vu une ruine à coté de la route ou passait quelques camions, et il avait dit : "c'est là". Il avait posé son sac, il avait vendu ces trois bières et le bar fut ouvert. Il ne savait plus lui même quand il était arrivé, les jours se ressemblais, la route couverte d'une pellicule de sable n'était jamais refaite, les camionneurs utilisait les mêmes engins que leurs pères et leurs pères avant eux. Là, au milieu du désert, le temps s'était arrêté, seuls quelques touristes donnais une impression de changements, mais ils ne restaient pas et était tout de suite oubliés.
Moi aussi, je suis descendu du camion, c'était un jour, il était une heure inconnue, et je ne suis plus jamais reparti. Là il n'y avait ni Mama, ni patron, ni Dog, ni animaux. Il y avait le coucher du soleil, couché devant Tom. Les nomades qui racontait leurs histoires devant un feu de bois, les camionneurs qui passaient, pour mieux repasser ensuite. Les riches touristes, les pauvres routards. Et devant le bar, vieux comme la nuit des temps, il y avait sans âges un chien et un vieux français.
Une vraie vie de chien.